Le photographe belge Yves Ullens est une référence internationale en matière de travail sur la lumière. Cet attachant et généreux quinqua suractif a vécu dans son enfance une Near Death Experience qui lui donne envie aujourd'hui de traquer la lumière et de la révéler aux autres. Son travail artistique, tout de couleurs flashy et d'abstractions, complété récemment par des portraits, se veut aussi rigoureux techniquement qu'inspiré par le subconscient et les expériences corporelles.
L'anecdocte est bien sûr significative. Yves Ullens, à bord d'un véhicule sillonnant les routes de Turquie, improvise un travelling avec son appareil photo. Le résultat est flou mais cette improvisation dégage quelque chose de magique. Cette expérience lui révèle une voie à suivre et pourtant, Yves Ullens n'est pas un débutant en la matière. "Déjà vers mes 14 ans, j'avais improvisé un mini-labo photo dans une pièce vide de la maison de ma grand-mère. Evier, eau courante, bonne obturation de la lumière. C'était parti ! Même si autour de la table, il fallait se pencher à cause des sous-pentes !" La grand-mère ne va pas uniquement le tancer de rester des heures plongé dans ces produits "toxiques", mais aussi lui apprendre l'art de la photo et du développement ; elle qui est photographe professionnelle (fellow à la prestigieuse Royal Geographic Society) et archéologue.
Mais la lumière comme thème de son oeuvre, Yves Ullens la découvre au fond de l'abîme. Lui qui à trois fois vanqueur traversé l'Acheron. Comme trois flirts avec la mort. D'abord à la naissance avec une méchante circulaire enroulée autour du cou ; puis à 8 ans, une crise d'acétonémie me jette dans le coma où presque mourant je vois des tâches de lumière (ce qu'on appelle Near Death Experience) ; et enfin à 18 ans, quand on m'a emmené chez ma mère alors qu'on croyait mon foie cliniquement mort suite à une mononucléose... Ces événements, enfouis dans mon subconscient, m'attendront longtemps avant que je sois capable d'en être à la hauteur et de dédier ma vie à la Lumière.
En attendant, Yves Ullens, adolescent, réalise des reportages pour des mariages, des anniversaires, avec un ami à lui, tout aussi passionné de photo. J'aimais déjà beaucoup tirer des portraits, surtout ceux des enfants, même s'ils bougent beaucoup et ne posent pas : là est tout le challenge. Sa formation de terrain se complétera des années plus tard aux USA, en cours libres.
Loin de pratiquer son art dans une tour d'ivoire, Yves Ullens va suivre un long parcours professionnel avant de devenir l'artiste que l'on connaît. Un hiatus qui m'a donné une solidité dans mon oeuvre à venir. Le goût du terrain et du changement. Après des études de sciences économiques appliquées à Louvain-la-Neuve et une licence spéciale en marketing à l'université de Gand, il expérimente la difficile vente sur le terrain dans le secteur cosmétique. Il créé ensuite l'embryon de la structure marketing de Petercam, puis promeut le whisky et les vins italiens au sein du groupe Fourcroy.
Il passe aussi par Vacuum Cleaner. LA société belge qui a donné le nom anglais de l'aspirateur ! Enfin, c'est au sein de Belgacom qu'il officie pendant 7 ans, toujours dans le marketing où il est manager pour les terminaux. C'est dans cette instituion belge par excellence que le destin de Yves Ullens va se jouer. "J'avais organisé dans un restaurant une petite exposition avec des prix de vente indiqués et élevés (pour que le public achète réellement, sans uniquement me faire plaisir). Je pensais faire une expo et vendre une oeuvre. Au final, ja'i vendu 16 photos ! Mon marketing avait bien fonctionné. Par contre, j'ai dû me régulariser avec la TVA et...avec Belgacom pour qui, je l'ignorais, j'avais un contrat d'exclusivité ! Au final, j'ai aussi travaillé comme photographe pour Belgacom (à la demande de John Goossens) en changeant de statut, mais en restant au marketing ! Le Trimaran Belgacom, le Top 200, des week-end de formation etc. j'ai tout shooté !!!"
Il n'empêche que le fleuron national de la communication en vient à le licencier, certain qu'il retrouvera du travail ailleurs. C'est alors qu'après cette 4ème mort, ici "sociale", Yves Ullens se jette corps et âme dans un "born again". Il a 40 ans.
Retour en Turquie. Le hasard de ce travelling par photo projette des lumières, des intensités étonnantes, où les formes entrent dans des zones d'indétermination et disparaissent dans le flux coloré. Nous sommes en 2000. "Let there be light". C'est sans doute cette expérience à l'approche de la mort qui s'est répétée à ce moment. Yves Ullens devient artiste à part entière. Il conscientise peu à peu sa technique. "J'emploie mon appareil photo comme une caméra ; je bouge face aux objets et en tire des effets de mouvement et de lumière quasi abstraits. Je pars d'objets lumineux et colorés par eux-mêmes ou reflétant une faible lumière, ou transformant la lumière par leur transparence. Je promène mon appareil photo comme un pinceau dans les 4 dimensions... tout en travaillant à vitesse lente, bien entendu."
La vie est flux et mouvement permanent. L'oeuvre d'Yves Ullens en est une illustration flagrante. Cette oeuvre se divise en plusieurs phases. D'abord les photos abstraites, du type peinture couleur (il est dingue de Monet et de Rothko) ; ensuite des portraits-miroir (ou évolutifs) mêlant le figuratif et l'abstrait. Enfin, les portraits comme tels sont aussi bien familiaux, amicaux que fashion.
Tout ce travail est repris sous le nom de TRAQUEUR DE LUMIERES. Yves Ullens est un chercheur et un expérimentateur des limites et des frontières, tourné vers le futur. Mon travail se base sur des intensités de lumières très faibles. Je pratique une forme d'écriture automatique avec la photo. Mon corps subconscient anime un regard technique. Mais le plus important est que cette lumière traquée, je veux la transmettre aux autres ; je veux transmettre un bien-être, une joie colorée. Il y a une dimension curative dans mon travail.
"je veux transmettre un bien-être, une joie colorée. Il y a une dimension curative dans mon travail. "
Frédéric Jarry.